Sur les cartes, la frontière devait passer au milieu des lignes de chemin de fer. Mais dans la réalité, la Russie s'est approprié l'ensemble du réseau ferré, et la vraie frontière, elle, se trouve quelques mètres plus loin, au milieu d'un chemin dont la toponymie soviétique, conservée aujourd'hui, était prémonitoire : la rue de l'Amitié entre les peuples.
Puisque la frontière passe au milieu de la rue, le trottoir occidental est ukrainien, et le côté oriental, russe. La frontière se permet même quelques bizarreries supplémentaires : elle divise ainsi le salon de coiffure, les hommes se trouvant côté russe et les femmes, côté ukrainien.
De nombreuses équipes de gardes-frontières patrouillent la rue, qu'il est officiellement interdit de franchir – il s'agirait alors d'une entrée illégale dans le pays voisin. Mais les voisins, eux, justement, s'en moquent. Parlez-en à ces grands-mères qui tapent le carton tous les soirs d'été, dans la cour de l'une d'elles qui habite côté russe. La frontière ? Si elles voient passer un contrebandier en douce à la nuit tombante, peu de chances pour qu'elle le dénonce aux officiels !
Reste qu'une frontière, c'est encombrant. Le curé de Melovoe, côté ukrainien, ne décolère pas contre les autorités politiques des deux pays. Pour ce patriote grand-russien, c'est le « peuple » orthodoxe que l'on divise ainsi avec une frontière qui n'a pas lieu d'être.