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l'école nomade

 

En « perdant » la Transnistrie, en 1992, la Moldavie a perdu de fait l'essentiel de son industrie, qui était concentré sur les rives orientales du Dniestr. A Dubasari, le barrage hydroélectrique, construit par les Soviétiques, est désormais lui aussi géré par les séparatistes. Et le régime transnistrien, aux accointances mafieuses, entend bien garder la mainmise sur ce territoire nébuleux qui autorise tous les trafics.

 

Dans cette petite république qui s'est notamment constituée en réaction aux velléités moldaves de rejoindre le « grand frère » roumain au début des années 1990, les questions culturelles et idéologiques occupent une place importante. Ainsi les trois langues officielles de la « République moldave du Dniestr », son nom officiel, sont le russe, l'ukrainien et le « moldave ». Il s'agit en fait du roumain, mais employé avec l'alphabet cyrillique, comme à l'époque soviétique. Si, dans la réalité, seul le russe est utilisé au niveau officiel, le pouvoir transnistrien tient cependant à mettre en valeur le caractère multiculturel et « trilingue » du pays, même si celui-ci est factice.

 

Pour nombre de roumanophones de Transnistrie, qui constituent environ le tiers de la population, le maintien de cette langue « moldave » factice et la domination du russe amplifient l'impression d'être des citoyens de second ordre. Certaines familles préfèrent ainsi envoyer leurs rejetons du côté moldave, pour y recevoir un enseignement expurgé du contenu idéologique transnistrien.

 

Le village de Dorotcaia accueille ainsi des groupes un peu particuliers. Le matin, les enfants du village vont en classe, mais ils doivent laisser la place, en après-midi, aux 170 écoliers et aux 22 instituteurs de Grigoriopol, une ville située en Transnistrie. Tous les jours, quatre bus les transportent ainsi à Dorotcaia, après avoir traversé la frontière, où ils peuvent bénéficier d'un enseignement reconnu par l'Etat moldave – en roumain, donc en alphabet latin, ce qui est punissable par la loi en Transnistrie...

 

Eleonora Cercovschi est la directrice de cette école « sans domicile fixe », qui a été fermée par les autorités transnistriennes en 2002 pour avoir utilisé l'alphabet latin en classe. « Bien sûr que les parents subissent des pressions, il existe des listes noires de parents qui envoient leurs enfants ici, à cette école. Mais c'est important pour nous de leur donner une vraie éducation... En Transnistrie, non seulement ils apprennent cette langue artificielle qu'est le "moldave", mais en plus, les manuels scolaires sont ceux de Russie. Plutôt que d'apprendre la géographie du Dniestr, ils apprennent celle de la Volga    ! ».

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Cette situation inconfortable pour les écoliers et leurs parents, qui devait être temporaire en 2002, perdure encore aujourd'hui. Et les autorités transnistriennes ne sont pas prêtes à changer cette législation linguistique absurde, puisque le roumain constitue pour elles la langue d'usage des Moldaves qui souhaitent la réunification de leur pays avec la Roumanie.

 

Alimenté par Moscou, qui parvient ainsi à déstabiliser un pays, la Moldavie, qui aspirerait sinon plutôt à regarder vers l'Europe, le conflit transnistrien semble voué à rester gelé durant des années. Petit à petit, la frontière (ou la « ligne administrative », pour les autorités moldaves) prend forme et modifie le comportement de ses riverains. 

 

Dans les enclaves moldaves de Dubasari, la frontière a déjà asphyxié l'économie, et nombreux sont les jeunes qui ont préféré quitter la région pour la capitale, Chisinau, ou mieux encore, pour la Roumanie ou l'Europe. Reste à voir si elle parviendra également à modifier la culture et l'identité de ceux qui vivent à l'est et à l'ouest du Dniestr...

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A une heure de route au nord-est de Chisinau, la région de Dubasari a été particulièrement touchée par le conflit transnistrien. Cette ville est un bourg industriel important, un barrage hydroélectrique stratégique s'y trouve et la population y est davantage mixte qu'ailleurs. Ici, on y parlait roumain, russe et ukrainien tandis qu'à Tiraspol, la « capitale » de la petite république autoproclamée, le russe dominait nettement. 

 

L'intensité des combats en 1992 explique peut-être pourquoi ici, la frontière est plus capricieuse qu'ailleurs. Dans les environs de Dubasari, les forces moldaves sont parvenues à garder le contrôle sur quelques villages de l'autre côté du Dniestr, qui se retrouvent aujourd'hui quasiment enclavés dans le territoire transnistrien.

 

A l'entrée du pont de béton massif qui enjambe le Dniestr, après le village de Vadul lui Voda, des «   casques bleus   » russes montent la garde nonchalamment depuis vingt ans, en vertu de l'accord conclu par les deux belligérants à la fin du conflit. De l'autre côté du fleuve, neuf villages sont toujours sous administration moldave, un état de fait toléré par les autorités séparatistes.

Le village de Dorotcaia symbolise à lui seul toutes les difficultés que rencontrent les habitants de cet îlot moldave en territoire transnistrien. Juché sur un petit plateau, ce hameau de 3000 habitants jouxte l'un des tronçons de frontière les plus absurdes de la région    : la route principale nord-sud est transnistrienne, un corridor de dix mètres de large qui sépare ainsi le village des champs avoisinants    !

 

Résultat    : à Dorotcaia, les agriculteurs doivent passer la « frontière », installée par les Transnistriens, pour aller semer ou pour récolter les moissons. « La plupart de mes terres sont de l'autre côté de la route », explique le directeur de l'exploitation agricole de Dorotcaia. En 2012, faute d'accord entre les séparatistes et les autorités moldaves, les paysans de la région ont ainsi perdu la totalité de leur récolte, qu'ils pouvaient voir pourrir de l'autre côté de la route...

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